Leïla Alaoui, est née à Paris, elle grandit à Marrakech, s’envole pour New York à dix-huit ans où elle poursuit des études de sociologie et de photographie documentaire ; huit ans plus tard, elle rentre au Maroc avec toujours cette volonté, cette ligne directrice, celle de se situer au carrefour de l’art et de la sociologie. Profondément touchée par la misère subissent les Marocains au jour le jour ; marquée par ce désir de fuite, immigration clandestine, son œuvre sera fortement traversée par ces thèmes.
“Les Marocains” est une série de portraits photographiques grandeur nature réalisés dans un studio mobile que j’ai transporté autour du Maroc entre 2010 et 2014.
Puisant dans mon propre héritage, j’ai séjourné au sein de diverses communautés et utilisé le filtre de ma position intime de Marocaine de naissance pour révéler, dans ces portraits, la subjectivité des personnes que j’ai photographiées. Inspirée par “The Americans”, le portrait de l’Amérique d’après-guerre réalisé par Robert Frank, je me suis lancée dans un road trip à travers le Maroc rural afin de photographier des femmes et des hommes appartenant à différents groupes ethniques, Berbères comme Arabes.
« Ma démarche, qui cherche à révéler plus qu’à affirmer, rend les portraits réalisés doublement “documentaires” puisque mon objectif – mon regard – est à la fois intérieur et critique, proche et distancié, informé et créatif. »
Ce projet, toujours en cours, constitue une archive visuelle des traditions et des univers esthétiques marocains qui tendent à disparaître sous les effets de la mondialisation. Cette manière hybride de concevoir le documentaire fait écho à la démarche corrective postcoloniale que de nombreux artistes contemporains engagent aujourd’hui afin d’écarter de l’objectif l’exoticisation de l’Afrique du Nord et du monde arabe très largement répandue en Europe et aux Etats-Unis. »